Nous n’aurions jamais pensé que ce jour viendrait si vite.
Ancrés quelque part dans notre imaginaire depuis les histoires que l’on nous a racontées quand on était petits, ces animaux mythiques que sont les baleines restaient un doux rêve inaccessible et lointain, presque irréel. On découvre un jour par hasard pendant notre voyage en Nouvelle-Zélande que, pas très loin de nous, se trouve un petit pays où il est possible de rencontrer des baleines, non pas vues d’un bateau, mais sous l’eau, dans leur milieu naturel. Il paraitrait que ces géants des mers peuvent s’approcher si près que l’on pourrait même les regarder dans les yeux ! L’idée est fascinante et nous donne des frissons, à tel point que l’on se surprend à y rêver secrètement de temps à autre.. mais on garde ce rêve pour plus tard, un jour dans notre vie future, une belle aventure à la fois.
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Et puis nous voila, quelques mois plus tard, en train de sauter d’un petit bateau de pêcheur au milieu de l’océan, le cœur battant, nageant de toutes nos forces à travers la houle vers une immense silhouette de plusieurs tonnes qui avance à grande vitesse, disparait dans le noir des profondeurs, réapparait à la surface dans un « pfff » de vapeur, nous regarde avec curiosité en se mouvant avec une élégante puissance.. et nous rend si petits. A cet instant précis, le reste du monde n’existe plus et le temps s'arrête, la mer nous ballotte et le corps fatigue, mais nous ne le sentons pas, nous nous sentons juste minuscules, impressionnés, honorés, fascinés, humbles et chanceux que ces géants de la mer acceptent de partager avec nous quelques instants de leur vie. Le rêve devient réalité et nous sommes loin d’être déçus, tout ce que l’on souhaite c’est qu’il continue, encore et encore.
(ps : nous allons commencer par vous raconter un peu ce que l’on a appris sur les baleines et l’organisation de cette rencontre,
mais si vous voulez juste voir les photos, vous pouvez aussi descendre directement à la fin de l’article ;))
Qui sont-elles ?
Les baleines que l’on a rencontrées dans les eaux de Tonga sont des Humpback Whales, appelées Baleines à Bosse en français, ou encore Rorqual à Bosse. Cette baleine est une espèce de cétacé à fanons*. Sa taille adulte varie entre 12 et 16 mètres et son poids peut atteindre 40 tonnes. Malgré cette taille incroyable, ces baleines peuvent faire des sauts spectaculaires hors de l’eau, comme des dauphins, mais en beaucoup plus impressionnant !
Une des caractéristiques physiques qui distingue les baleines à bosse des autres baleines est la taille de leurs nageoires pectorales. Celles-ci mesurent environ 1/3 de la longueur de leur corps et pèsent jusqu’à 3 tonnes chacune. Ce sont les nageoires pectorales les plus longues parmi toutes les espèces de baleines. Ce sont aussi ces longues nageoires pectorales qui leur permettraient de faire de longues migrations.
Leur corps est parsemé de tubercules. Vous avez du les remarquer aussi, ces petites bosses à l’avant de leur tête, ainsi que la forme dentelée caractéristique sur l'arrête avant et arrière de leur nageoires pectorales, ce sont en fait des follicules pileux. Chaque tubercule contient un cheveux/poil, comme possèdent les humains et autres mammifères, et chacun de ces cheveux est relié à un ensemble de nerfs sensitifs. Le rôle de ces cheveux n’a pas encore été totalement déterminé, mais il existe plusieurs hypothèses. Certains pensent que ce sont des organes sensitifs, que ces cheveux permettraient de détecter les changements de température, de vitesse ou la présence d’objets dans les angles morts. D’autres pensent que ces tubercules améliorent l’aérodynamique de l’animal. Il a d'ailleurs été prouvé que les bosses ondulantes à l’avant des nageoires (que l’on ne retrouve pas sur les nageoires de dauphins ou d’autres baleines), augmentent la portance et diminuent la trainée dans l’eau (le principe a même été appliqué sur des modèles d’éoliennes par bio-mimétisme). Si cela vous intéresse, vous pouvez en lire plus en cliquant sur le bouton ci-dessous ;)
*La majorité des baleines appartiennent à la famille des cétacés à fanons. Dans la catégorie des cétacés à dents, on trouve les espèces de dauphins et aussi quelques baleines, telles que la baleine blanche, la baleine à bec, et le cachalot.
On peut aussi différencier les deux espèces par leur évent, trou nasal situé sur le dessus de leur tête et par où ils respirent quand ils remontent à la surface. Les cétacés à fanon possèdent un évent à deux trous, tandis que l’évent des cétacés à dents n’est constitué que d’un seul trou.
Une migration de 5000 km chaque année
Chaque année, à la saison des naissances, durant l’hiver austral (du 21 juin au 22 septembre), des centaines d’Humpback Whales quittent les eaux froides d’Antarctique où elles habitent pour migrer jusqu’au Royaume de Tonga. Elles traversent ainsi plus de 5000 km dans le grand bleu afin de profiter des eaux peu profondes et chaudes de Tonga pour donner naissance, pouponner et faire la cour/se faire courtiser.
Si l’envie de rencontrer des baleines commence aussi à germer dans votre esprit, la meilleure période pour admirer les baleines à Tonga est chaque année entre mi-juillet et fin septembre.
Les mamans baleines arrivent vers la mi-juillet pour donner la vie dans ces eaux, qui en plus d’être peu profondes et chaudes, sont aussi dépourvues de prédateurs tels que les orques et grands requins. Les mamans et leur bébé sont parfois accompagnés d’un ou plusieurs mâles, appelés ‘escort(s)’, par qui elles acceptent d’être accompagnées et protégées durant leur voyage et qui espère(nt) pouvoir leur faire la cour.
Le maximum de baleines présentes à Tonga est durant le mois d’août, avant qu’elles ne commencent doucement à reprendre leur longue migration à partir de mi-septembre. On peut encore croiser quelques baleines à Tonga au mois d’octobre, mais le nombre est quand même beaucoup plus restreint ;).
Vous avez bien dit ‘nager avec les baleines’ ?
Le Royaume de Tonga est un des seuls pays sur terre où nager avec des baleines est autorisé. La pêche y a longtemps été pratiquée, jusqu’à ce que le roi l’interdise en 1978. A cette date, la pêche intensive de la baleine avait fait chuter le nombre d’individu à 10% du nombre originel qui était présent dans les eaux de Tonga.
Les baleines sont maintenant devenues protégées et sources de revenus via l’éco-tourisme. Depuis 1993, le gouvernement tongien délivre donc des licences d’observation et de nage avec les baleines à des organismes qui reçoivent une formation pour développer cette activité dans le respect des animaux.
On dit que l’endroit le plus parfait pour croiser des baleines à Tonga serait dans le groupe d’îles nommé Vava’u. Nous ne pouvons pas en parler car nous n’y avons pas été, préférant nous orienter vers le groupe d’île Ha’apai où le tourisme est beaucoup moins développé, presque inexistant, en dehors des quelques resorts et quelques guesthouses qui se comptent sur les doigts de la main ;).
La majorité des gens qui veulent voir des baleines filent donc directement dans le groupe d'île Vava’u. Mais quelques recherches nous confirment qu’il y a aussi des baleines à Ha’apai, ainsi qu’à Tongatapu et autour de l’île d’Eua.
Petit résumé de nos recherches, trucs et astuces. N’hésitez pas à nous faire un message si vous avez d’autres questions, on se fera un plaisir d’y répondre si on sait ;)
Voici un petit aperçu des prix et compagnies proposant des rencontres avec les baleines à Tonga (prix et informations reçus en septembre 2018).
Voici également quelques sites qui nous ont bien aidé où vous pourrez trouver les listes de compagnies certifiées :
〜 www.vavau.to
〜 www.haapai.to
〜 www.tongatapu.to
ps : 1 TOP = 0,40€
(données de décembre 2018)
Notre choix se dirige finalement vers Ha’apai. Ce choix nous semblait plus judicieux pour plusieurs raisons :
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Comme Ha’apai est moins touristique que Vava'u, le nombre de bateaux proposant des sorties en mer pour voir les baleines est moins grand, donc moins de chance de croiser d’autres bateaux en mer ou de se ‘partager’ les baleines (il parait que cela peut parfois arriver à Vava’u en haute saison). Plus de tranquillité pour les baleines et d’intimité pour tous <3.
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Le prix des sorties en mer est nettement moins élevé à Ha’apai (+- 350 top) qu’à Vava’u (+- 450 top).
〜 3 〜
le groupe d’île Ha’apai, grâce à son faible développement touristique, est semble-t-il plus authentique et naturel, pile poil ce que l’on recherchait :)
Une journée en mer à la rencontre des baleines à bosses
// LA RECHERCHE
Et voilà, le grand jour est arrivé et on embarque sur un petit bateau à la rencontre des baleines.
Cette aventure semble simple, mais ne l’est pas autant qu’on pourrait le croire :)
Premièrement il faut arriver à repérer une baleine, ce qui n’est pas toujours évident, parce que :
Elles peuvent être n’importe où, et nous sommes perdus au milieu d’une immense masse d’eau bleue qui s’étend sur des dizaines de kilomètre
Les adultes peuvent rester jusqu’à 30 minutes sous l’eau avant de devoir respirer à nouveau (les bébés quand à eux doivent remonter toutes les 10 minutes à la surface)
Ce sont des animaux libres et sauvages, donc imprévisibles :) !
Ensuite, si on a la chance de repérer un blow de baleine à l’horizon, on peut l’approcher doucement, à condition qu’elle ne soit pas en plein déplacement, ce qui nous ferait juste perdre du temps et la déranger car elle ne ralentira pas et continuera sa route.
On en profite pour ouvrir une petite parenthèse sur le blow/jet « d’eau » qui jaillit lors de la respiration de la baleine. On pense souvent que ce blow est constitué d’eau mais l’on fait erreur ! La baleine remonte à la surface pour expirer et inspirer de l'air, comme nous. En une respiration, elle remplace 90% de l’air contenu dans ses poumons (contrairement à 10/20% pour les humains). L’air contenu dans ses poumons est chaud (environ 37°C) et soumis à une autre pression que l’air extérieur. L’impression de jet d’eau que l’on voit quand cet air est expulsé à la surface, est en fait l’air extérieur qui se condense en contact avec l’air de la baleine, créant un nuage de gouttelettes.
// L’ANALYSE DE LA SITUATION
Après avoir repéré une baleine grâce à un blow ou autre partie du corps qui sortirait à la surface, il faut analyser son comportement avec respect, avoir la chance que celle-ci ne soit pas en train de se déplacer et vérifier qu'elle soit à l’aise avec l’approche du bateau. C’est uniquement dans ces conditions que nous pouvons tenter une descente dans l’eau, de la façon la plus calme possible afin de ne pas faire d’éclaboussures (qui produisent beaucoup de bruit sous l’eau et peut les effrayer).
Les sorties en mer avec les baleines sont soumises à des lois. Seuls les organismes ayant une licence peuvent le faire légalement. Ils peuvent aller en mer maximum 7h et seuls quatre nageurs accompagnés d’un guide sont acceptés dans l’eau en même temps. Il est donc conseillé de privilégier les organismes avec licence pour un respect maximal des baleines, et les bateaux qui n’acceptent que quatre nageurs, sinon il faut attendre son tour, et quoi de plus dommage quand vous êtes sur le point de vivre une des plus merveilleuses rencontres de votre vie, que de devoir attendre sur le bateau..
Nager pour s’approcher des baleines n’est pas si évident, étant en haute mer, la houle peut être assez forte, et ces animaux, même si leurs mouvements sont assez lents, avancent vite ! Il faut aussi arriver à voir dans quelle direction nager et les distinguer dans tout ce bleu. Plus elles sont loin, plus l’eau absorbe la couleur et la vue est difficile. Les guides ont une aptitude incroyable pour les trouver, on se demande comment ils font, c’est impressionnant :)
// LA RENCONTRE
Une fois arrivés près de la/les baleines, les rencontres peuvent se passer de façon très différentes. On ne va vous raconter que celles que l’on a vécues, mais sommes convaincus que chaque rencontre est différente, donc impossible de vraiment catégoriser.
La première après-midi où nous sommes allés en mer fut la plus dure. Nous étions incapables de repérer une baleine, et cela avait été comme ça toute la journée, à croire qu’elles restaient toutes au fond de l’eau, ou qu’il s’était passé quelque chose, qu’elles étaient toutes parties autre part.. Quand on parlait de l’imprévisibilité de la nature ;) !
On rencontra enfin une baleine et son bébé en fin de journée, mais on les admira du bateau, car elles étaient en déplacement. L’émerveillement était cependant déjà omniprésent !
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La première baleine que nous avons rencontrée était au fond de l’eau. Nous étions incapables de la voir mais savions qu’elle était là, parce que nous l’entendions !
Assis silencieusement dans le bateau, nous entendions des sons, émis depuis les profondeurs : elle chantait.
Son chant était assez puissant pour s’entendre hors de l’eau, alors imaginez notre surprise quand nous sommes descendus dans l’eau, et que nous avons plongé à quelques mètres de profondeur. Le chant s’entendait très clairement et nous traversait, si bien que l’on pouvait même ressentir ses vibrations à travers notre poitrine, c’était magnifique.
Il parait que seuls les mâles chantent. Dans certaines situations ils utiliseraient le chant pour communiquer, dans d’autres pour faire la cour. Ce que l’on sait est que chaque chant est différent selon les groupes de baleines, et qu’il se répète d’année en année.
Ce sera la première et dernière fois du voyage que l’on entendra une baleine chanter.. on a eu beaucoup de chance :) !
〜 2 〜
Le deuxième cas de figure se produisit plusieurs fois cette journée-là, après l’écoute du chant de baleine.
On est descendus plusieurs fois dans l’eau pour nager en suivant les baleines. Nous avons pu les admirer traçant leur route dans l’océan, parfois nageant au fond de l’océan (oui oui l’eau est par endroit si claire à Tonga que l’on voit le fond !), parfois passant leur chemin. C’était une expérience impressionnante, mais elles n’étaient pas très curieuses par ces petits humains et n’avaient pas spécialement envie de jouer avec nous ;-).
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Le troisième cas de figure fut la rencontre avec des 'escortes'.
La première fois que l’on rencontra ce cas de figure fut une maman et son bébé, accompagnés de deux escortes.
Une ‘escorte’ est un ou plusieurs mâle qui accompagne(nt) une femelle et son petit, dans le but de la protéger et de se reproduire avec elle.
La rencontre n’était pas si évidente, parce que la maman avait l’air de vouloir nous utiliser pour les repousser un peu, et ils avaient l’air de ressentir de la compétition à notre égard, ainsi qu’à l’égard du bateau, c’était assez mouvementé.
La deuxième fois fut la rencontre d'une maman accompagnée d’une seule escorte, c’était beau et plus calme. On a pu les observer distinctement passer leur chemin en dessous de nous au fond de l’océan, elle, son bébé nageant sous sa nageoire pectorale droite, et le mâle qui les accompagnait, comme une famille.
Vous pouvez voir ci-dessous une vidéo de leur passage en dessous de nous au fond de l’océan :)
〜 4 〜
Le quatrième type de rencontre était le plus merveilleux. On croisa la route d’une maman et son bébé de 3 mois et demi.
Ils étaient tout deux à l’aise et la maman nous laissa rester avec eux et les admirer pendant bien 30-40 minutes. On pouvait assister à une sorte de pattern : la maman et son petit respiraient à la surface, ensuite la maman descendait au fond de l’eau, parfois accompagné par son petit.
Pendant les 15-20 minutes qu’elle passait au fond de l’eau, son petit bébé de plusieurs tonnes remontait à la surface régulièrement pour respirer, faire des galipettes, ou passer devant nous en nous regardant intensément, avant de retourner près de sa maman.
Il y avait de l’interaction de leur part et de la notre et on a vraiment eu l’impression qu’ils nous acceptaient, et nous nous sentions très chanceux qu’ils nous permettent de passer du temps avec eux et de les admirer :)
C’était magique ! On a même pu assister à l’allaitement du bébé, juste devant nous…